Par Hervé Djiofack – Doctorant à l’École de Santé Publique de l’Université de Montréal (ESPUM) et membre ÉJP à l'ACSM.
La conférence canadienne sur la santé mondiale qui s’est tenue du 24 au 26 novembre 2021 à Ottawa réunissait différents chercheurs en format hybride (présentiel et en ligne). Une première et une originalité en même temps, compte tenu du contexte actuel qu’impose les mesures sanitaires prises face au fléau de la Covid-19 par lequel passe le monde.
Elle a commencé par la traditionnelle session d’ouverture où il a été question pour les différents panélistes et invités de se pencher d’entrée de jeu sur la question: Est-il temps pour une révolution de la compassion dans les partenariats en santé mondiale? Ceci a donné lieu à des échanges et contributions riches entre les conférenciers et les auditeurs aussi bien en présentiel qu’en ligne.
La conférence s’est poursuivie par un panel portant sur l’impact de la COVID-19 sur les services de santé essentiels en Afrique : s’attaquer au « quoi », au « pourquoi » et au « comment ». La prise de parole par le Dr Thomas Druetz de l’Université de Montréal ainsi que par ses collègues faisait état des effets majeurs de la pandémie de la Covid-19 sur les systèmes de santé dans le monde entier et plus précisément au Burkina Faso, au Nigéria, en Ouganda et au Mozambique. À partir des données probantes des études réalisées il a été question de voir pourquoi certains groupes ont développé une plus forte résilience à la pandémie alors que d'autres ont été plus négativement touchés, et comment des leçons peuvent être tirer de la pandémie de la COVID-19 pour mieux se préparer aux éventuelles épidémies futures. Parmi les préoccupations soulevées par les panelistes, la concurrence accrue pour l'allocation de ressources à des services autres que pour la réponse à la pandémie ainsi que la détérioration de l'accès aux services de santé essentiels non liés à la COVID tenaient une place importante.
Le panel suivant était celui relatif à la science de l’équité, de la théorie à la pratique : comment (et comment ne pas) établir des partenariats authentiques pour une recherche en santé mondiale. Cette thématique a soulevé des enjeux et des réflexions qui ont abouti à une sollicitation de la part des panélistes et des chercheurs à plus de coopération, de collaboration et de formation entre les chercheurs pour pouvoir agir plus efficacement et nouer des partenariats plus solides et à long terme entre les pays.
Par la suite, le panel 3, portant sur le paquet FAST (Accelerated Scale Together) de FGS : équité et diversité dans les partenariats pour s’attaquer à un problème de santé sexuelle et reproductive négligé affectant les femmes et les filles en Afrique subsaharienne, a abordé une question assez courante et touchant une grande thématique de la Santé Mondiale. Les présentations des différents panélistes sous la conduite du Dr. Kazeem Arogundade, coordonnateur du projet FAST package, ont mis en exergue des éléments importants qui ont donné aux participants l’occasion d’en apprendre davantage sur le problème de santé sexuelle
et reproductive et sur la façon dont l’approche de partenariat FAST package a été utilisée pour résoudre le problème, plaçant les parties prenantes locales et nationales au centre.
La journée s’est terminée par la tenue de l’assemblée générale annuelle CAGH – ACSM où il a été question de presenter les nouveaux membres et de faire un état des lieux et de la situation actuelle de l’association. Ceci a donné fin aux échanges pour cette journée de la conférence canadienne de la santé mondiale à Ottawa.
Deux thèmes présentés le 25 Novembre 2021 ont marqué notre attention au cours de cette conférence:
1. Eau, vers et santé des femmes : partenariats croisés dans la santé planétaire/ L’eau, les vers et la santé des femmes : des partenariats interconnectés dans la santé planétaire;
2. Comment décoloniser vos partenariats de 10 façons : Apprendre de la COVID-19 et au-delà.
Le premier a mis en exergue l’idée selon laquelle la plusieurs maladies étant de nature zoonotiques, il faudrait penser plus en terme multi-systémique. En effet, il est ressorti du panel l’idée selon laquelle l’humain agit sur l’environnement, et cela affecte l’animal domestique ou sauvage, qui à son tour impacte l’humain. Ces interactions sont visibles autant dans les milieux urbains que dans les campagnes et milieux ruraux. La question etait donc de savoir : quel impact a l’humain sur ces interconnexions. Les panélistes ont relevé à cet effet l’importance d’incorporer l’approche une seule santé dans la feuille de route des maladies tropicales négligées. Cette approche a pour avantage d’unifier les partenariats à travers les différents niveaux. Enfin, il en est ressorti un point selon lequel, le problème fondamental pour les partenariats c’est la diversité des secteurs. : il faut parler avec les gens afin qu’ils réalisent que rien n’est en silos. Il faut non seulement voir l’être humain mais aussi voir l’ensemble du système. Ceci demeure difficile à faire, et opérationnaliser la mise en place de programmes ayant cette approche s’avère être une tâche ardue. Il y a donc lieu de commencer à éduquer et sensibiliser les populations, en se concentrant sur les enfants car ils forment la génération future, ainsi que les corps médicaux locaux, afin de commencer à changer les choses de façon durable. En bref, il s’agit de détruire les barrières et les silos.
Le deuxième panel quant à lui abordait la question : comment agir au lieu de parler. À cet effet, les panelistes ont élaboré un ensemble de 10 façons pour décoloniser les partenariats :
1. Devenir antiraciste et s’attaquer au racisme interculturel (éliminer le racisme intégré dans nos cultures);
2. Faire attention au langage utilisé (la terminologie);
3. Décoloniser le système de financement existant (le décoloniser);
4. Les actions humanitaires;
5. Décentraliser;
6. Respecter les intellectuels;
7. Travailler avec une approche basée sur les forces (penser à la vulnérabilité);
8. Mettre l’accent sur prendre soin de soi;
9. Se responsabiliser et connaitre la priorité des autres;
10. Intégrer la notion de durabilité.
Ainsi, face à la situation actuelle par laquelle passe le monde, la Covid-19 nous a appris beaucoup; notamment comment on peut créer la solidarité, réimaginer, se mettre aux défis et voir les nouvelles façons de penser et enfin, donner un espace sécuritaire aux communautés afin qu’ils puissent donner leur point de vue sur les crises actuelles.